Identités [culinaires] nationales - 3
Il gusto Mc Donald's parla italiano (le goût Mc Donald's parle italien). Voici le slogan avec lequel a été lancée il y a quelques semaines à Rome une version italianisée du burger, le Mc Italy. Soutenue par le ministre italien de l'agriculture Luca Zaia, l'opération vise à offrir au consommateur un hamburger préparé uniquement à base de produits italiens: pain, viande, salade et fromage proviennent de l'agriculture nationale. Ce projet d' “italianisation d'un goût global” (ou s'agit-il d'une “globalisation du goût italien” ?) a déjà provoqué une série de réactions. A l'origine de cette polémique, un article du journaliste du Guardian Matthew Fort, qui juge le Mc Italy comme un “acte monstrueux de trahison nationale”. Carlo Petrini, fondateur du mouvement Slow Food, tempère quelque peu le propos mais exprime néanmoins des doutes quant au soutien que cette collaboration avec Mc Donald's est censée apporter aux paysans italiens. D'après lui, le risque majeur de cette opération est une perte d'identité culinaire et une standardisation du goût. Après tout, c'est ce qui est arrivé à la pizza, dont la version industrielle n'est plus qu'une pâle évocation de l'original.
Mais l'identité culinaire de l'Italie dans le monde n'est pas seulement menacée par le Mc Italy. Dans un article du Corriere della Sera du 17 janvier 2010, on apprend qu'une des recettes italiennes les plus connues est aussi la plus maltraitée par les cuisiniers de la planète: l'authenticité du ragù alla bolognese (sauce bolognaise) doit aujourd'hui être sauvée. C'est ce qu'ont décidé les chefs organisateurs de la Journée Mondiale des Cuisines Italiennes. Cet événement annuel a vu cette année 440 chefs de 50 pays préparer ce plat de pâtes dont la sauce a été inscrite en 1982 auprès de la chambre de commerce de Bologne, après que le calibre des tagliatelle avec lesquelles elle est servie ait été breveté en 1972 déjà. Cette autre opération culinaire visait à améliorer le standard de qualité et d'authenticité de la cuisine italienne dans le monde. Un retour au goût, en somme.
La complexité de la question réside en fait dans la réalité soulignée par Carlo Petrini et d'autres, notamment John Dickie dans son livre “Con gusto”. Au fond, dit Petrini, il n'existe pas une identité du goût italien, mais bien une série de goûts et de recettes qui, tels les dialectes, rendent la cuisine italienne si variée et donc si intéressante. Et c'est bien l'appauvrissement de ces goûts régionaux et, en amont, des paysans eux-mêmes, qui constitue une réelle menace pour la cuisine italienne.
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